(PDF) Article en français (écrit en 2007) sur le stress oxydatif et le vieillissement
(PDF) Article en français (écrit en 2007) sur le stress oxydatif et le vieillissement
http://www.pcipresse.com/spectrabiologie/wp-content/uploads/2012/05/SB157_23-26.pdf
RÉSUMÉ
Parmi les théories proposées pour expliquer le vieillissement, les théories stochastiques attribuent un
rôle prépondérant aux espèces réactives de l’oxygène qui provoquent des attaques des cibles cellulaires,
induisant des dommages oxydatifs moléculaires cumulatifs responsables du vieillissement. Ainsi, au
cours du vieillissement, un stress oxydant apparaît, caractérisé par un déséquilibre entre la production
de ces espèces et les capacités antioxydantes de l’organisme (enzymes antioxydantes et systèmes
antioxydants non enzymatiques). Ce phénomène se traduit par l’accumulation de produits d’oxydation
des biomolécules (lipides, protéines, acides nucléiques) au niveau plasmatique et au niveau cellulaire,
la détermination de ces produits permet la réalisation d’une évaluation du stress oxydant. Cet article
constitue une introduction aux principaux aspects biologiques concernant le stress oxydant et le
vieillissement.
MOTS-CLÉS
Vieillissement, stress oxydant, espèces réactives de l’oxygène, antioxydants
I - Introduction
En 1956, Harman propose la théorie radicalaire du
vieillissement selon laquelle les espèces réactives de
l’oxygène (ERO) produites par les organismes aérobies
induiraient des dommages oxydatifs sur les biomolécules
qui, en s’accumulant, seraient responsables du
vieillissement (1). Schématiquement, les ERO peuvent
être des radicaux libres, porteurs d’un électron
célibataire et donc très réactifs (par exemple, radicaux
superoxydes et surtout hydroxyles), ou des espèces
oxydantes non radicalaires (peroxyde d’hydrogène,
acide hypochloreux, peroxynitrite…) (2). L’organisme
dispose, pour maintenir ces ERO à des concentrations
relativement faibles, de systèmes de défense. Les molécules
contrôlant ainsi la production des ERO sont
désignées par le terme d’antioxydants et désignent
« toute substance qui, présente à faible concentration
par rapport à celle du substrat oxydable, retarde ou inhibe
signifi cativement l’oxydation de ce substrat »
(3, 4) (fi gure 1, page suivante). Compte tenu de
cette théorie, le vieillissement cellulaire peut être
associé à une production accrue d’ERO, à une diminution
des systèmes antioxydants et/ou à une
effi cacité diminuée des systèmes de réparation et
de dégradation des constituants oxydés (5).
II - Production d’ERO, systèmes
antioxydants et systèmes de réparation
au cours du vieillissement
1. Production d’ERO au cours du vieillissement
Les mitochondries sont le siège d’une importante
production physiologique d’ERO ; en effet, au
niveau de la chaîne respiratoire mitochondriale,
environ 2% de l’oxygène est transformé en radicaux
superoxydes (O2
•-). Des expériences chez l’animal
(rongeurs, mouche domestique) ont montré que
cette production d’ERO augmente avec l’âge (6) et
s’accompagne d’une moindre fonctionnalité des
mitochondries, avec diminution de la production
d’ATP. Cette production accrue d’ERO au niveau
mitochondrial pourrait par ailleurs être à l’origine
de mutations dans l’ADN mitochondrial, contribuant
elles-mêmes au processus de vieillissement.
2. Systèmes antioxydants
au cours du vieillissement
De nombreuses études ont été menées dans le
but de mettre en évidence un éventuel défi cit des
systèmes enzymatiques antioxydants au cours
du vieillissement, en particulier au niveau des
érythrocytes puisqu’ils renferment notamment
la Cu,Zn-superoxyde dismutase (Cu,Zn-SOD),
la glutathion peroxydase (GPx) et la glutathion-
S-transférase (GST). Toutefois, les résultats de
ces études présentent des divergences (5). Une
récente étude de Junqueira et al. menée chez 503
sujets sains (48% hommes, 52% femmes) montre
cependant une augmentation signifi cative de l’activité
de la GPx chez les sujets de plus de 70 ans
comparativement à toutes les autres tranches d’âge
comprises entre 20 et 70 ans (7). En revanche, en
ce qui concerne les antioxydants non enzymatiques
(vitamine E, vitamine C, caroténoïdes, glutathion...)
et les oligoéléments (sélénium, zinc), des
carences ont pu être observées, en particulier en
vitamine C dans des unités de long séjour (8), et
en sélénium – cette dernière carence étant accompagnée
d’une diminution de l’activité GPx – (9).
L’étude de Junqueira et al. (7) montre en outre une
diminution de la concentration de la vitamine E
et du β-carotène circulants, deux antioxydants lipophiles,
chez les sujets de plus de 70 ans, même
lorsque ces concentrations sont ramenées à celle
des lipides circulants (cholestérol-LDL). Une très
récente étude menée par Ray et al. (10) chez 1002
femmes de 70 à 79 ans, inclues dans la « Women’s
Health and Aging Study » (WHAS) et suivies pendant
5 ans, a par ailleurs permis d’observer que les
concentrations sériques les plus élevées en sélénium
et caroténoïdes semblaient associées au plus
faible risque de mortalité. Un autre moyen d’évaluation
des capacités antioxydantes de l’organisme
est d’apprécier le pouvoir antioxydant total plasmatique,
qui mesure un ensemble de substances
antioxydantes dans le plasma (protéines à groupements
thiols, acide urique, bilirubine, glutathion
réduit, vitamines antioxydantes,…). L’avantage est
que certaines techniques de détermination de ce
pouvoir antioxydant total ont été commercialisées
sous forme de kits et sont donc d’utilisation
aisée. Il faut cependant rester conscient que les
substances contribuant à ce pouvoir antioxydant
total sont à la fois des antioxydants bien caractérisés
mais aussi des substances comme l’albumine,
l’acide urique, la bilirubine, et même des substances
non encore identifi ées à ce jour (13, 14). Les
résultats de ce type de test sont divergents selon
les études chez les sujets âgés. Aejmelaeus et al.
ont ainsi montré une augmentation du pouvoir
antioxydant total du plasma (TRAP ou « total
peroxyl radical trapping antioxidant potential »)
avec l’âge chez les femmes (11), mais ce résultat n’a
pas été confi rmé par d’autres auteurs (12). Enfi n,
au cours du vieillissement, on constate un déplacement
de l’équilibre de la forme réduite vers la
forme oxydée du glutathion, qui constitue le thiol
majoritaire au niveau cellulaire ; ceci pourrait être
impliqué dans le dysfonctionnement cellulaire observé
avec l’âge (15). Une appréciation du capital
oxydoréducteur de la cellule peut être obtenu par
le dosage du glutathion réduit et oxydé grâce à des
techniques de chromatographie liquide haute performance
(CLHP) (16).
3. Oxydation des constituants
cellulaires au cours du vieillissement
De nombreux composés oxydés s’accumulent au
cours du vieillissement, l’un des plus connus est
la lipofuchsine, pigment brun fl uorescent dont
l’analyse révèle la présence de constituants lipidiques
et protéiques diffi cilement dégradables (17).
Les produits de glycation avancée (AGE pour
« advanced glycation endproducts ») tels que la
pentosidine ou la carboxyméthyllysine sont également
retrouvés liés à des protéines à longue durée
de vie telles que le collagène, la laminine, les
protéines du cristallin ; des réactions d’oxydation
interviennent dans la formation des AGE, c’est
pourquoi l’on parle de glyco-oxydation ; la liaison
des AGE à leurs récepteurs (RAGE) conduit
à l’activation de MAP kinases et de facteurs de
transcription « redox sensibles » (tels que NFkB),
stimulant en retour la production d’ERO (18). La
concentration de ces AGE augmente avec l’âge en
dehors de toute pathologie diabétique.
De nombreux acides aminés (soufrés, aromatiques…)
sont sensibles aux processus d’oxydation.
Parmi les acides aminés soufrés, la méthionine
est oxydée en sulfoxyde de méthionine dont la
concentration tissulaire augmente avec l’âge, en
particulier au niveau du collagène (19). Heureusement,
l’organisme dispose d’un moyen de
régénérer la méthionine à partir de son produit
d’oxydation : c’est le système méthionine sulfoxyde
réductase (Msr) qui fait intervenir la thiorédoxine
et nécessite du NADPH,H+ (20). Ce système
a montré une effi cacité diminuée avec l’âge chez
l’animal, ce qui pourrait contribuer à l’augmentation
de la concentration du sulfoxyde de méthionine.
Les protéines carbonylées constituent le marqueur
le plus utilisé pour mettre en évidence l’oxydation
des protéines au cours du vieillissement ;
elles s’accumulent notamment au niveau des fi -
broblastes, mais aussi d’autres types cellulaires,
de façon exponentielle avec l’âge (21). Leur mise
en évidence repose sur la réactivité des groupements
carbonylés avec la dinitrophénylhydrazine
(DNPH), conduisant à une dinitrophénylhydrazone.
Des dosages ELISA ont été commercialisés,
ce qui améliore la praticabilité de ces tests. Cette
augmentation des protéines carbonylées serait
due non seulement à une accumulation d’agressions
radicalaires, mais aussi à une diminution
d’activité du protéasome, système permettant la
dégradation des protéines modifi ées, en particulier
oxydées (22).
Le dosage des produits d’oxydation de l’ADN
nécessite quant à lui de grandes précautions au
niveau de l’extraction et de l’hydrolyse de l’ADN,
afi n de ne pas avoir d’oxydation artéfactuelle au
cours de ces étapes préliminaires (23). Les techniques
les plus fi ables de dosage des bases oxydées
reposent sur la CLHP avec détection électrochimique.
Toutefois, certains kits ELISA ont
été commercialisés, en particulier pour le dosage
de la 8-hydroxydésoxyguanosine (8OHdG). Celle-
ci peut être dosée dans l’urine, où sa concentration
diminue avec l’âge, et refl ète alors à la fois
l’oxydation de l’ADN et l’activité des enzymes de
réparation (24).
Parmi les produits de peroxydation lipidique, les
substances réagissant avec l’acide thiobarbiturique
(TBARS ou « thiobarbituric acid-reactive
substances ») ont été le premier marqueur utilisé
apportant un argument à la théorie radicalaire du
vieillissement. Ainsi, Poubelle et al. observèrent
une corrélation positive signifi cative entre les
TBARS plasmatiques et l’âge de sujets présumés
sains (entre 19 et 90 ans) (25). Cette augmentation
signifi cative des TBARS plasmatiques avec l’âge a
été observée par d’autres auteurs, en particulier
Junquiera et al. (7) qui avaient étudié en parallèle
les systèmes antioxydants de sujets âgés de 20 à
plus de 70 ans. Depuis, ce marqueur a été soumis
à de nombreuses critiques : le dosage des TBARS
est en eff et un dosage permettant une évaluation
globale de la peroxydation lipidique, par un dosage
non spécifi que (dosage d’un ensemble de
produits aldéhydiques) ; les conditions du dosage
(condensation à chaud avec l’acide thiobarbiturique)
peuvent occasionner une production artéfactuelle
de TBARS ; certaines améliorations de
la spécifi cité et la sensibilité peuvent cependant
être apportées, comme la séparation par CLHP
et la détection fl uorimétrique (26). Malgré ces
critiques, la relativement bonne faisabilité du
dosage peut éventuellement être un argument
pour son utilisation lors d’un suivi longitudinal
de sujets. Un marqueur beaucoup plus récent de
la peroxydation des lipides est représenté par les
isoprostanes, dont la structure est très proche de
celle des prostaglandines ; ils résultent de l’attaque
radicalaire de l’acide arachidonique et constituent
des marqueurs terminaux stables de la peroxydation
des lipides. Ils se forment au sein des
membranes et des lipoprotéines et en sont libérés
par une phospholipase, puis sont éliminés dans
l’urine où il est donc possible de les doser. Il a
ainsi été observé une relation hautement signifi -
cative entre l’excrétion urinaire d’un isoprostane,
le 8-isoPGF2α, et l’âge chez des sujets entre 10 et
80 ans (r=0,81 ; p<0,001) (27), bien qu’une autre
étude n’ait pas permis de retrouver des résultats
comparables (12). Le dosage au niveau plasmatique
requiert des étapes assez lourdes de purifi -
cation avant de pratiquer le test ELISA commercialisé
; le dosage dans l’urine est une alternative
plus simple puisqu’il est alors possible de s’aff ranchir
de ces étapes préliminaires.
III - Intérêt de la détermination
du stress oxydant chez le sujet âgé
La question peut être posée de l’intérêt d’évaluer
l’état de stress oxydant chez le sujet âgé et par
quels moyens. Nous avons vu que le stress oxydant
résulte d’un excès de production d’ERO et/ou d’un
défi cit de substances antioxydantes. Il est particulièrement
important de pouvoir dépister certaines
de ces défi ciences, en particulier en vitamine C et
en sélénium, et ceci requiert alors des techniques
de dosage spécifi ques. En revanche, une première
approche peut être apportée par l’utilisation de
méthodes plus globales et d’utilisation aisée, telles
que l’évaluation du pouvoir antioxydant total. Une
fois la défi cience en un ou plusieurs antioxydants
dépistée, une supplémentation peut être envisagée,
en sachant qu’il faut toujours maintenir au
maximum un équilibre entre les diff érents constituants
de la défense antioxydante, puisqu’ils agissent
de façon concertée (l’exemple classique est celui
de la vitamine E, régénérée par la vitamine C).
Le suivi de l’état de stress oxydant va alors trouver
un autre intérêt, celui du suivi de la supplémentation.
En pratique, étant donné la multitude de
facteurs entrant en jeu dans le bilan du stress oxydant,
il faudra pouvoir apprécier également le versant
« oxydé », c’est-à-dire doser certains produits
d’oxydation. En ce qui concerne la peroxydation
lipidique, le dosage des TBARS, non spécifi que, ne
permet qu’une appréciation globale et ne peut être
considéré que pour un suivi longitudinal des pa-
tients, chaque sujet étant ainsi son propre témoin.
De nouveaux marqueurs plus spécifi ques peuvent
trouver leur intérêt : c’est le cas des isoprostanes,
pour lesquels la commercialisation de kits de dosage
facilite la détermination en pratique courante,
surtout si l’on fait appel au dosage urinaire qui ne
requiert pas d’étapes de purifi cation préalables.
La détermination du stress oxydant chez le sujet
âgé peut alors être considérée comme un complément
d’analyses biologiques permettant la surveillance
de l’état des défenses antioxydantes participant
au maintien d’un niveau contrôlé de stress
oxydant.
RÉSUMÉ
Parmi les théories proposées pour expliquer le vieillissement, les théories stochastiques attribuent un
rôle prépondérant aux espèces réactives de l’oxygène qui provoquent des attaques des cibles cellulaires,
induisant des dommages oxydatifs moléculaires cumulatifs responsables du vieillissement. Ainsi, au
cours du vieillissement, un stress oxydant apparaît, caractérisé par un déséquilibre entre la production
de ces espèces et les capacités antioxydantes de l’organisme (enzymes antioxydantes et systèmes
antioxydants non enzymatiques). Ce phénomène se traduit par l’accumulation de produits d’oxydation
des biomolécules (lipides, protéines, acides nucléiques) au niveau plasmatique et au niveau cellulaire,
la détermination de ces produits permet la réalisation d’une évaluation du stress oxydant. Cet article
constitue une introduction aux principaux aspects biologiques concernant le stress oxydant et le
vieillissement.
MOTS-CLÉS
Vieillissement, stress oxydant, espèces réactives de l’oxygène, antioxydants
I - Introduction
En 1956, Harman propose la théorie radicalaire du
vieillissement selon laquelle les espèces réactives de
l’oxygène (ERO) produites par les organismes aérobies
induiraient des dommages oxydatifs sur les biomolécules
qui, en s’accumulant, seraient responsables du
vieillissement (1). Schématiquement, les ERO peuvent
être des radicaux libres, porteurs d’un électron
célibataire et donc très réactifs (par exemple, radicaux
superoxydes et surtout hydroxyles), ou des espèces
oxydantes non radicalaires (peroxyde d’hydrogène,
acide hypochloreux, peroxynitrite…) (2). L’organisme
dispose, pour maintenir ces ERO à des concentrations
relativement faibles, de systèmes de défense. Les molécules
contrôlant ainsi la production des ERO sont
désignées par le terme d’antioxydants et désignent
« toute substance qui, présente à faible concentration
par rapport à celle du substrat oxydable, retarde ou inhibe
signifi cativement l’oxydation de ce substrat »
(3, 4) (fi gure 1, page suivante). Compte tenu de
cette théorie, le vieillissement cellulaire peut être
associé à une production accrue d’ERO, à une diminution
des systèmes antioxydants et/ou à une
effi cacité diminuée des systèmes de réparation et
de dégradation des constituants oxydés (5).
II - Production d’ERO, systèmes
antioxydants et systèmes de réparation
au cours du vieillissement
1. Production d’ERO au cours du vieillissement
Les mitochondries sont le siège d’une importante
production physiologique d’ERO ; en effet, au
niveau de la chaîne respiratoire mitochondriale,
environ 2% de l’oxygène est transformé en radicaux
superoxydes (O2
•-). Des expériences chez l’animal
(rongeurs, mouche domestique) ont montré que
cette production d’ERO augmente avec l’âge (6) et
s’accompagne d’une moindre fonctionnalité des
mitochondries, avec diminution de la production
d’ATP. Cette production accrue d’ERO au niveau
mitochondrial pourrait par ailleurs être à l’origine
de mutations dans l’ADN mitochondrial, contribuant
elles-mêmes au processus de vieillissement.
2. Systèmes antioxydants
au cours du vieillissement
De nombreuses études ont été menées dans le
but de mettre en évidence un éventuel défi cit des
systèmes enzymatiques antioxydants au cours
du vieillissement, en particulier au niveau des
érythrocytes puisqu’ils renferment notamment
la Cu,Zn-superoxyde dismutase (Cu,Zn-SOD),
la glutathion peroxydase (GPx) et la glutathion-
S-transférase (GST). Toutefois, les résultats de
ces études présentent des divergences (5). Une
récente étude de Junqueira et al. menée chez 503
sujets sains (48% hommes, 52% femmes) montre
cependant une augmentation signifi cative de l’activité
de la GPx chez les sujets de plus de 70 ans
comparativement à toutes les autres tranches d’âge
comprises entre 20 et 70 ans (7). En revanche, en
ce qui concerne les antioxydants non enzymatiques
(vitamine E, vitamine C, caroténoïdes, glutathion...)
et les oligoéléments (sélénium, zinc), des
carences ont pu être observées, en particulier en
vitamine C dans des unités de long séjour (8), et
en sélénium – cette dernière carence étant accompagnée
d’une diminution de l’activité GPx – (9).
L’étude de Junqueira et al. (7) montre en outre une
diminution de la concentration de la vitamine E
et du β-carotène circulants, deux antioxydants lipophiles,
chez les sujets de plus de 70 ans, même
lorsque ces concentrations sont ramenées à celle
des lipides circulants (cholestérol-LDL). Une très
récente étude menée par Ray et al. (10) chez 1002
femmes de 70 à 79 ans, inclues dans la « Women’s
Health and Aging Study » (WHAS) et suivies pendant
5 ans, a par ailleurs permis d’observer que les
concentrations sériques les plus élevées en sélénium
et caroténoïdes semblaient associées au plus
faible risque de mortalité. Un autre moyen d’évaluation
des capacités antioxydantes de l’organisme
est d’apprécier le pouvoir antioxydant total plasmatique,
qui mesure un ensemble de substances
antioxydantes dans le plasma (protéines à groupements
thiols, acide urique, bilirubine, glutathion
réduit, vitamines antioxydantes,…). L’avantage est
que certaines techniques de détermination de ce
pouvoir antioxydant total ont été commercialisées
sous forme de kits et sont donc d’utilisation
aisée. Il faut cependant rester conscient que les
substances contribuant à ce pouvoir antioxydant
total sont à la fois des antioxydants bien caractérisés
mais aussi des substances comme l’albumine,
l’acide urique, la bilirubine, et même des substances
non encore identifi ées à ce jour (13, 14). Les
résultats de ce type de test sont divergents selon
les études chez les sujets âgés. Aejmelaeus et al.
ont ainsi montré une augmentation du pouvoir
antioxydant total du plasma (TRAP ou « total
peroxyl radical trapping antioxidant potential »)
avec l’âge chez les femmes (11), mais ce résultat n’a
pas été confi rmé par d’autres auteurs (12). Enfi n,
au cours du vieillissement, on constate un déplacement
de l’équilibre de la forme réduite vers la
forme oxydée du glutathion, qui constitue le thiol
majoritaire au niveau cellulaire ; ceci pourrait être
impliqué dans le dysfonctionnement cellulaire observé
avec l’âge (15). Une appréciation du capital
oxydoréducteur de la cellule peut être obtenu par
le dosage du glutathion réduit et oxydé grâce à des
techniques de chromatographie liquide haute performance
(CLHP) (16).
3. Oxydation des constituants
cellulaires au cours du vieillissement
De nombreux composés oxydés s’accumulent au
cours du vieillissement, l’un des plus connus est
la lipofuchsine, pigment brun fl uorescent dont
l’analyse révèle la présence de constituants lipidiques
et protéiques diffi cilement dégradables (17).
Les produits de glycation avancée (AGE pour
« advanced glycation endproducts ») tels que la
pentosidine ou la carboxyméthyllysine sont également
retrouvés liés à des protéines à longue durée
de vie telles que le collagène, la laminine, les
protéines du cristallin ; des réactions d’oxydation
interviennent dans la formation des AGE, c’est
pourquoi l’on parle de glyco-oxydation ; la liaison
des AGE à leurs récepteurs (RAGE) conduit
à l’activation de MAP kinases et de facteurs de
transcription « redox sensibles » (tels que NFkB),
stimulant en retour la production d’ERO (18). La
concentration de ces AGE augmente avec l’âge en
dehors de toute pathologie diabétique.
De nombreux acides aminés (soufrés, aromatiques…)
sont sensibles aux processus d’oxydation.
Parmi les acides aminés soufrés, la méthionine
est oxydée en sulfoxyde de méthionine dont la
concentration tissulaire augmente avec l’âge, en
particulier au niveau du collagène (19). Heureusement,
l’organisme dispose d’un moyen de
régénérer la méthionine à partir de son produit
d’oxydation : c’est le système méthionine sulfoxyde
réductase (Msr) qui fait intervenir la thiorédoxine
et nécessite du NADPH,H+ (20). Ce système
a montré une effi cacité diminuée avec l’âge chez
l’animal, ce qui pourrait contribuer à l’augmentation
de la concentration du sulfoxyde de méthionine.
Les protéines carbonylées constituent le marqueur
le plus utilisé pour mettre en évidence l’oxydation
des protéines au cours du vieillissement ;
elles s’accumulent notamment au niveau des fi -
broblastes, mais aussi d’autres types cellulaires,
de façon exponentielle avec l’âge (21). Leur mise
en évidence repose sur la réactivité des groupements
carbonylés avec la dinitrophénylhydrazine
(DNPH), conduisant à une dinitrophénylhydrazone.
Des dosages ELISA ont été commercialisés,
ce qui améliore la praticabilité de ces tests. Cette
augmentation des protéines carbonylées serait
due non seulement à une accumulation d’agressions
radicalaires, mais aussi à une diminution
d’activité du protéasome, système permettant la
dégradation des protéines modifi ées, en particulier
oxydées (22).
Le dosage des produits d’oxydation de l’ADN
nécessite quant à lui de grandes précautions au
niveau de l’extraction et de l’hydrolyse de l’ADN,
afi n de ne pas avoir d’oxydation artéfactuelle au
cours de ces étapes préliminaires (23). Les techniques
les plus fi ables de dosage des bases oxydées
reposent sur la CLHP avec détection électrochimique.
Toutefois, certains kits ELISA ont
été commercialisés, en particulier pour le dosage
de la 8-hydroxydésoxyguanosine (8OHdG). Celle-
ci peut être dosée dans l’urine, où sa concentration
diminue avec l’âge, et refl ète alors à la fois
l’oxydation de l’ADN et l’activité des enzymes de
réparation (24).
Parmi les produits de peroxydation lipidique, les
substances réagissant avec l’acide thiobarbiturique
(TBARS ou « thiobarbituric acid-reactive
substances ») ont été le premier marqueur utilisé
apportant un argument à la théorie radicalaire du
vieillissement. Ainsi, Poubelle et al. observèrent
une corrélation positive signifi cative entre les
TBARS plasmatiques et l’âge de sujets présumés
sains (entre 19 et 90 ans) (25). Cette augmentation
signifi cative des TBARS plasmatiques avec l’âge a
été observée par d’autres auteurs, en particulier
Junquiera et al. (7) qui avaient étudié en parallèle
les systèmes antioxydants de sujets âgés de 20 à
plus de 70 ans. Depuis, ce marqueur a été soumis
à de nombreuses critiques : le dosage des TBARS
est en eff et un dosage permettant une évaluation
globale de la peroxydation lipidique, par un dosage
non spécifi que (dosage d’un ensemble de
produits aldéhydiques) ; les conditions du dosage
(condensation à chaud avec l’acide thiobarbiturique)
peuvent occasionner une production artéfactuelle
de TBARS ; certaines améliorations de
la spécifi cité et la sensibilité peuvent cependant
être apportées, comme la séparation par CLHP
et la détection fl uorimétrique (26). Malgré ces
critiques, la relativement bonne faisabilité du
dosage peut éventuellement être un argument
pour son utilisation lors d’un suivi longitudinal
de sujets. Un marqueur beaucoup plus récent de
la peroxydation des lipides est représenté par les
isoprostanes, dont la structure est très proche de
celle des prostaglandines ; ils résultent de l’attaque
radicalaire de l’acide arachidonique et constituent
des marqueurs terminaux stables de la peroxydation
des lipides. Ils se forment au sein des
membranes et des lipoprotéines et en sont libérés
par une phospholipase, puis sont éliminés dans
l’urine où il est donc possible de les doser. Il a
ainsi été observé une relation hautement signifi -
cative entre l’excrétion urinaire d’un isoprostane,
le 8-isoPGF2α, et l’âge chez des sujets entre 10 et
80 ans (r=0,81 ; p<0,001) (27), bien qu’une autre
étude n’ait pas permis de retrouver des résultats
comparables (12). Le dosage au niveau plasmatique
requiert des étapes assez lourdes de purifi -
cation avant de pratiquer le test ELISA commercialisé
; le dosage dans l’urine est une alternative
plus simple puisqu’il est alors possible de s’aff ranchir
de ces étapes préliminaires.
III - Intérêt de la détermination
du stress oxydant chez le sujet âgé
La question peut être posée de l’intérêt d’évaluer
l’état de stress oxydant chez le sujet âgé et par
quels moyens. Nous avons vu que le stress oxydant
résulte d’un excès de production d’ERO et/ou d’un
défi cit de substances antioxydantes. Il est particulièrement
important de pouvoir dépister certaines
de ces défi ciences, en particulier en vitamine C et
en sélénium, et ceci requiert alors des techniques
de dosage spécifi ques. En revanche, une première
approche peut être apportée par l’utilisation de
méthodes plus globales et d’utilisation aisée, telles
que l’évaluation du pouvoir antioxydant total. Une
fois la défi cience en un ou plusieurs antioxydants
dépistée, une supplémentation peut être envisagée,
en sachant qu’il faut toujours maintenir au
maximum un équilibre entre les diff érents constituants
de la défense antioxydante, puisqu’ils agissent
de façon concertée (l’exemple classique est celui
de la vitamine E, régénérée par la vitamine C).
Le suivi de l’état de stress oxydant va alors trouver
un autre intérêt, celui du suivi de la supplémentation.
En pratique, étant donné la multitude de
facteurs entrant en jeu dans le bilan du stress oxydant,
il faudra pouvoir apprécier également le versant
« oxydé », c’est-à-dire doser certains produits
d’oxydation. En ce qui concerne la peroxydation
lipidique, le dosage des TBARS, non spécifi que, ne
permet qu’une appréciation globale et ne peut être
considéré que pour un suivi longitudinal des pa-
tients, chaque sujet étant ainsi son propre témoin.
De nouveaux marqueurs plus spécifi ques peuvent
trouver leur intérêt : c’est le cas des isoprostanes,
pour lesquels la commercialisation de kits de dosage
facilite la détermination en pratique courante,
surtout si l’on fait appel au dosage urinaire qui ne
requiert pas d’étapes de purifi cation préalables.
La détermination du stress oxydant chez le sujet
âgé peut alors être considérée comme un complément
d’analyses biologiques permettant la surveillance
de l’état des défenses antioxydantes participant
au maintien d’un niveau contrôlé de stress
oxydant.
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